Ousmane Sow : visite de l’incroyable maison-musée du sculpteur à Dakar

Au cours de leur séjour, les étudiant·e·s de l’Université Paris 8 ont eu l’occasion de découvrir la demeure dakaroise du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, transformée en musée. Un moment privilégié qu’ils ont pu partager avec sa fille et directrice des lieux, Marina Sow. Visite guidée. 

Mercredi 15 mars, 11 h 18. Sur le chemin tortueux de sable et de terre battue, une carriole tirée par un âne croise un véhicule tout-terrain flambant neuf. A quelques pas, la Maison Ousmane Sow détonne elle aussi avec le décor. Sa percutante devanture colorée à l’architecture géométrique et résolument moderne la distingue des autres demeures du quartier. « Elle a été construite sans plans, ni architecte », nous informe le guide des lieux.

Située dans le quartier de Yoff Virage, à Dakar, la Maison Ousmane Sow, ancienne maison-atelier du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, a ouvert ses portes le 5 mai 2018 à l’occasion de la 13e Biennale d’art contemporain de Dakar. C’est entre ces murs aux couleurs chaudes, allant du vert bouteille au latérite rouge, que cet ancien kinésithérapeute a façonné la plupart de ses œuvres. La maison est elle-même une œuvre d’art à part entière. Ousmane Sow l’avait baptisée Le Sphinx, alors qu’il envisageait de créer une série sur les égyptiens. Tête, bras et dos de la créature légendaire sont représentés symboliquement par cette architecture contemporaine qu’il avait conçue sur maquette. Élevée sur trois étages, la bâtisse a également conservé son sol recouvert de carreaux réalisés par l’artiste lui-même et les murs peints avec « sa matière », complexe et mystérieux mélange qui a servi de base à ses sculptures. 

Ousmane Sow : la sculpture comme arme de reconnaissance

Guidé par un ancien assistant de l’artiste, nous circulons librement à travers un dédale de pièces bordées de vérandas, à la découverte de ses œuvres, ses archives, ses souvenirs. Les salles, aménagées avec goût par la compagne de l’artiste Béatrice Soulé, portent les noms de son père Moctar Sow et de ses amis (Mustapha Dimé, Boris Dolto, Gérard Sénac ou encore Iba Mbaye) et abritent aujourd’hui une trentaine d’œuvres originales. Parmi elles : Les Nouba, sa série la plus emblématique, présentée en 1987 au Centre Culturel Français de Dakar. Cette série de 35 pièces, qui rend hommage aux Noubas, ethnie en voie d’extermination au sud du Soudan, lui a permis d’être révélé au grand public. Elle a notamment été exposée sur le pont des Arts à Paris lors de l’exposition Ousmane Sow en 1999, pour une rétrospective qui a accueilli plus de trois millions de visiteurs. Tout petits face à la taille monumentale de ces œuvres, on est facilement frappé par ces sculptures imposantes, ces corps puissants, musclés, toujours en mouvement, comme sa saisissante représentation des Lutteurs sénégalais, pour lesquels il vouait une grande fascination.

Dans une seconde salle à l’étage, on découvre Merci, sa série hommage destinée aux grands hommes qu’il admire et qui l’ont aidé « à ne jamais désespérer du genre humain », nous confie le guide. Intrigués, certain·e·s étudiant·e·s s’amusent à deviner quelles personnalités se cachent derrière ces mastodontes d’argile et de toile de jute. On y découvre Victor Hugo, Nelson Mandela, le Général de Gaulle ou encore le gouverneur franco-haïtien Toussaint Louverture, figure incontournable de l’indépendance d’Haïti. Le dernier étage, qui offre une magnifique vue sur l’océan particulièrement agité, abrite l’atelier d’Ousmane Sow laissé en l’état. Son agenda, son vélo fétiche et son épée d’académicien cohabitent avec ses œuvres inachevées, comme ces marionnettes colorées et animées, vestiges de ses rêves de film d’animation. 

Marina Sow : son nouveau challenge pour 2026

A cet endroit, nous faisons la connaissance de Marina Sow. Véritable entrepreneuse compulsive, la fille d’Ousmane Sow a été successivement acheteuse en parfumerie, puis directrice et gestionnaire de patrimoine, avant de devenir directrice générale de la Maison Ousmane Sow. Son objectif : continuer de faire vivre l’art de son père au-delà et à l’intérieur des frontières. Pour cela, elle se lance dans un projet fou : « reproduire cette maison à l’identique sur une colline à une quarantaine de km de Dakar, et en profiter pour faire un complexe culturel sur 15000 m² avec toutes les infrastructures nécessaires », nous confie-t-elle. Pour Marina Sow, cette initiative, accompagnée techniquement par un programme de la Banque mondiale, pourrait permettre de « toucher un public local », là où « 80 % des visiteurs actuels sont des touristes étrangers », souligne-t-elle. Elle souhaiterait qu’il soit inauguré le 1er décembre 2026, jour des dix ans de la disparition d’Ousmane Sow. 

 

Alessia Eleni dit trolli