Rencontre avec Martine Ndiaye

Rencontre avec Martine Ndiaye, créatrice du festival : Films Femmes Afrique
Rencontre avec Martine Ndiaye, créatrice du festival : Films Femmes Afrique

Martine Ndiaye 

Directrice du festival Films Femmes Afrique, Martine Ndiaye est infirmière de formation, mais également militante dans le Comité d’action des Prisonniers (CAP) notamment, pour mettre fin à la peine de mort en France. Dorénavant, elle consacre tout son temps au cinéma et à la préparation et l’organisation du festival Films Femmes Afrique. En 2022, elle est membre du Jury de la Compétition officielle fiction, au Festival international du Film de Femmes de Salé – FIFFS 2022 (Salé, Maroc).

  • Le Festival Films Femmes Afrique

Né d’un pari fou, Martine Ndiaye lance avec trois autres personnes la première édition de ce festival en 2003 avec la thématique des violences faites aux femmes. Il se déroule tous les deux ans et présente une sélection de films qui parlent des femmes, tous genres confondus. Le propre du festival est de se rendre vers le public. En 2022, il se matérialise par 82 projections en salles ou en plein air, dans environ 60 lieux différents et 7 000 spectateurs et spectatrices. Son objectif est de rendre le 7ème art accessible en proposant ces projections gratuitement mais aussi de faire passer des messages importants à travers l’image. Ce festival est également un moyen de mettre en avant le cinéma africain dans les salles.

La 5ème édition s’est déroulée en février 2022 sur le thème « Femmes Créatrices d’avenir ». 

  • La sélection des films : les femmes comme thème central

Sur les 400 films reçus de l’appel à film, 60 sont choisis pour la compétition. Deux comités de sélections composés de 4 personnes sont chargés de visionner ces films pour décerner les prix. Leurs objectifs pour les futures éditions est d’ouvrir de nouveaux prix de manière à faire rayonner davantage de films à travers leur festival. 

Ces jurys se rendent régulièrement lors de festivals comme celui de Carthage ou de Salé pour voir des films qui pourraient être sélectionnés. 

Exemple de films sélectionnés lors de l’édition 2022 : 

Compétition Longs-Métrages 

Compétition courts-métrages 

  • Anonyme de Fama Reyane Sow (Sénégal – Burkina-Faso, 2020) 
  • Fissures de Dieynaba Ngom (Sénégal, 2021)

Hors compétitions longs-métrages

Hors compétitions courts-métrages

  • 140 BPM – Sandrine de Martine Mbock ( France, 2021)
  • Cherche femme forte de Marilyn Cooke (Québec, 2019) 

Focus Sénégal

  • A la recherche d’Aline, de Rokhaya Baldé (Sénégal, 2020) 
  • Kipou d’Abdoulaye Sow (Sénégal, 2021) 
  • Des espaces de formation accessibles à tous·te·s 

Ce festival est également l’occasion pour l’équipe de proposer des formations et des masterclasses dans le domaine du cinéma. Par exemple, ils proposent des ateliers avec des costumier·ère·s, ou encore des ingénieur·e·s en son, pour présenter les différents métiers du cinéma. Des tables rondes sont également organisées sur la thématique du festival avec des experts et personnalités influentes de ce secteur. 

Le festival se déroulant tous les deux ans, l’enjeu est de rendre accessible le cinéma en dehors de la période de ce dernier. Pour cela, ils ont récemment créé un ciné-club mensuel dans un lycée. À terme, leur dessein est la création de plusieurs ciné-clubs à travers le pays pour favoriser l’accès aux salles.

  • Le financement du festival 

La question des financements est centrale dans tous les projets culturels à travers le monde, mais cette dernière est d’autant plus importante au Sénégal, où les financements publics sont souvent très difficiles à obtenir. En outre, les entreprises et institutions occidentales dominent les industries culturelles sénégalaises. C’est pourquoi il est régulier que ce type de structure soit financé en grande majorité par des organismes européens.   

Le festival détient des partenaires sur le long terme, comme la fondation Rosa Luxembourg, l’ambassade des Pays-Bas, Canal + ou encore l’Institut français qui offre leur salle de cinéma (intérieur et extérieur) pour des projections de courts métrages. Le géant pétrolier Total a également  financé 1/5e de l’édition 2020 du festival. Se pose alors la question d’un potentiel refus de ce type de partenariats avec des entreprises reconnues pour son impact environnemental dévastateur. Martine Ndiaye explique qu’à leur échelle, il est impossible de refuser un tel partenariat au vu de la difficulté de financer un projet de cette ampleur. 

Dans quelle mesure les organismes qui financent le festival vont influencer la sélection ? Est-ce que les financements d’ambassades européennes n’imposent pas un certain regard “exotisant” ? Sous quelles conditions ces organismes financent-ils le festival ?

  • Les retombées sur les populations locales ?

Il est difficile de réaliser une sociologie des spectateurs et spectatrices car aucune enquête n’est menée en amont ou en aval du festival. Martine Ndiaye estime que ces informations sont très variables en fonction des quartiers mais ces projections toucheraient en majorité un public féminin pour les séances en plein air.

  • Parenthèse historique : la crise des salles de cinéma au Sénégal

Au Sénégal, dans les années 1980-2000, il y avait une quarantaine de salles à Dakar et l’entrée était accessible. Aujourd’hui il en reste cinq. En effet, avec l’arrivée des DVD mais aussi des plateformes de streaming, les films se regardent beaucoup plus facilement chez soi en famille. En outre, l’industrie du cinéma a été délaissée par le secteur public après les mandats de Léopold Sédar Senghor. Le cinéma est désormais accessible à une élite aisée. La force du festival réside dans son accessibilité avec une gratuité pour tous mais aussi un accès géographique avec des projections dans des quartiers populaires et en marge de la ville. 

Si vous êtes curieux·se·s d’en apprendre plus sur les salles de cinéma au Sénégal, n’hésitez pas à consulter notre article sur le cinéma Vox, un cinéma abandonné à Saint-Louis. 

Elise Roussin et Emilie Ruiz