« Never Forget » de Nicholas Galanin
Surplombant le désert de Palm Springs, l’œuvre monumentale de Nicholas Galanin, artiste et musicien amérindien (des ethnies Tlingit et Unangax̂), fait sans aucun doute référence à l’une des images les plus emblématiques de la Californie, si ce n’est la plus iconique.
À l’instar du célèbre panneau Hollywood qui s’épelait initialement Hollywoodland, l’installation contemporaine Never Forget (N’oublie·z jamais) composée de dix lettres d’une hauteur de 13 mètres donne à lire, pour sa part, les mots INDIAN LAND, qui signifient : terre indienne.
Cette œuvre éphémère a été créée en 2021 à l’occasion de la biennale Desert X, une manifestation d’art contemporain qui a pour mission de concevoir des expositions internationales pouvant dialoguer avec des environnements désertiques, au travers d’installations in situ réalisées par des artistes renommés venus du monde entier.
Pour l’artiste Nicholas Galanin, mémoire et terre sont inévitablement liées : érigée en 1923 dans un pays encore en proie à la ségrégation raciale, l’enseigne publicitaire Hollywoodland promouvait un projet de développement immobilier réservé uniquement aux Blancs.
Au même moment, l’industrie cinématographique américaine, alors en plein essor, concentre ses studios à Hollywood en raison de son doux climat et s’évertue à inventer une mythologie blanche à l’Amérique, en la promouvant comme terre de liberté et foyer des braves, au détriment de ses premiers habitants.
Galanin détourne l’image la plus emblématique du Golden State américain pour mieux dénoncer les atrocités et les spoliations subies par les peuples autochtones, dont 90% de la population fut décimée au cours du XIXe siècle, principalement à cause des maladies introduites par les colons européens, mais aussi des guerres les opposant à ces derniers.
Aujourd’hui, les communautés indigènes, gardiennes de ces lieux depuis des millénaires possèdent pourtant moins de 3% des titres fonciers. Ainsi pour l’artiste, l’aspect le plus important de son œuvre n’est pas tant le panneau, mais la terre sur laquelle il repose et l’histoire de ceux qu’il implique.
Never Forget s’inscrit ainsi pleinement dans le mouvement LandBack, une campagne décolonialiste qui lutte pour la restitution des terres ancestrales volées aux indigènes, en demandant légalement aux propriétaires colons le transfert des titres fonciers et la gestion politique des territoires au profit des communautés locales autochtones.
Le titre de l’installation, identique à l’expression commémorative des attentats terroristes du 11 septembre 2001, n’est pas non plus un choix anodin : l’artiste amérindien critique une Histoire hégémonique considérée comme inoubliable, tandis que l’Histoire de celles et ceux qui peuplaient cette terre demeure activement ignorée.
Nicholas Galanin signe une œuvre d’une importance capitale qui invite chacun à comprendre l’Histoire des États-Unis et à y contribuer, tant par un devoir de mémoire, mais aussi de restitution.
“L’enseigne originale d’Hollywoodland [érigée en 1923] était une publicité pour un développement immobilier destiné à l’achat de terres réservées aux Blancs. Cette œuvre est essentiellement le contraire : un appel aux propriétaires fonciers et autres pour les inviter à rejoindre le mouvement LandBack.” – Nicholas Galanin